Pour les inconditionnels de Stephane Bern …Torapa au restau à Clelles

Extrait

« Le colonel Lasserre avait su calmer la rancœur du facétieux Corneloup et s’était même garanti sa pleine coopération pour la suite de l’enquête en répartissant adroitement les rôles de chacun.
Bernik n’avait pas failli à sa dextérité, et lors d’un échange avec la jeune motarde, armé de patience pour faire face à de nombreux silences, il avait su la persuader d’une rencontre sur une terrasse de café de son choix. Il avait semble-t-il même bénéficié de largesses de la furtive, puisque la soi-disant rebelle s’était enquise de son itinéraire, et constatant qu’il venait par Lus-La-Croix-Haute, lui avait proposé de se retrouver bien avant Grenoble sur sa route, et déjeuner à Clelles au Bistrot de la Place. « Ce sont des copines, je devais passer les voir » s’était-elle même fendue d’un surplus de convivialité et de livraison de soi. Bernik avait raccroché avec l’impression totalement inverse de son collègue Corneloup. Une jeune fille timide, discrète et prévenante.
Torapa était arrivée un peu en avance à bord de sa plus discrète auto, une Peugeot 403 break familiale de couleur beige, bordeaux sur la partie basse. Elle papotait avec une des quatre “associé(e)s égalitaires “, comme indiqué avec insistance sur leur présentation, lorsqu’un son aigu de sirène Citroën en décélération précéda une Diane orange criard lustré. Après un bond d’un mètre en avant et l’équivalent en hauteur marquant l’arrêt définitif par calage intempestif, un jeune homme d’une trentaine d’année, frisé blond, les yeux bleus ronds rieurs, s’en extirpa avec légèreté, tout sourire. Paré d’un polo rouge grenat sémillant, d’un pantalon bleu outremer profond, chaussé de mocassins en daim du même rouge que son haut, il s’avança en direction de la terrasse arborant un sourire ouvert et détendu, sacoche de cuir pourpre moiré noir à bout de bras.
— Bonjour Madame, je suis Stefan Bernik, j’ai rendez-vous…
— Avec Torapa qui vous attend ! l’interrompit joyeusement, celle qu’il supposait être la patronne ou la serveuse de la terrasse, tendant la main en direction d’une jeune brunette, vêtue d’un polo marin rayé bleu et blanc à manches longues, d’un jean Levi’s moulant et de chaussures de tennis d’un blanc éclatant.
— Ah parfait ! Bonjour madame ou mademoiselle lança-t-il avec ferveur et un rien de noblesse en serrant délicatement la main de Torapa.
— Bonjour, elle est mignonnette votre Diane, chanta-t-elle de sa voix suave teintée d’un léger accent.
— Oh vous savez, moi les voitures… C’est un moyen de locomotion. Si je m’écoutais, je préférerais me déplacer avec un âne gris et une charrette blanche ! Je l’ai achetée à mon ami Marc-Olivier qui prétendait qu’elle m’irait comme un gant. Et c’est une décapotable, alors moi qui adore les effluves et autres senteurs de Provence en allant visiter les musées, monastères, bastides et châteaux, vous imaginez le bonheur !

Installés à déjeuner sur la terrasse ensoleillée, après avoir échangé quelques banalités, Bernik et Torapa se sentaient suffisamment en confiance pour évoquer l’affaire « Distant Ship ».
— Dites-moi Torapa, c’est bien votre petit nom ?
— Appelez-moi comme ça.
— Torapa. Le nom que vous avez écrit et laissé sur un papier à mon cher collègue le capitaine Corneloup, c’est bien celui du skipper du Distant Ship ?
— Au passage, votre cher collègue, je l’ai pas senti. J’aime pas ces vieux lourds un rien graveleux, l’œil égrillard.[…] »

Extrait de: BORIS GEISER. « LA DOUCE TORPEUR. »

 

 

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